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La guitare dans la littérature #1




​Voilà des années que je collecte des extraits de textes (romans essentiellement) où je trouve le mot "guitare". Quelques "rabatteurs" (qui se reconnaîtront) m'aident à former ce corpus qui, à défaut de prendre un sens très clair, prend un certaine ampleur. N'étant pas certain de lui trouver un ordre précis, je me décide à partager ces extraits de manière décousue. Pour cette première incursion : la guerre de 14 à travers le prisme de l'écriture sans fin de Claude Simon. Et pour quelle "utilisation" de la guitare (dans 3 extraits) ! Stupéfiant.



La route des Flandres de Claude SIMON


• et autour d'eux l'incessante rumeur, le confus et boueux brouhaha — palabres, marchandages, disputes, paris, obscénités, vantardises, récriminations — comme, pour ainsi dire, la respiration (ça n'arrêtait jamais, même la nuit, s'assourdissant seulement, comme si au-dessous du sommeil lui-même on pouvait continuer à percevoir cette espèce de constant malaise , de stérile et vaine agitation de bêtes en cage) qui emplissait la baraque, et il y avait de la musique aussi, un orchestre, un crin-crin, des bouffées sautillantes, des cordes raclées en mesure sur des instruments composés de bidons vides, de morceaux de planches et de bouts de fil de fer (et même de vrais banjos, de vraies guitares, amenées là et conservées dieu sait comment) s'élevant, sporadiques, au-dessus du tapage (puis de nouveau submergées, étouffées, se fondant, disparaissant parmi les autres bruits — ou peut-être l'oubliait-on, cessait-on simplement d'en avoir conscience ?), le même air, les mêmes mesures reprises, rabâchées, le même refrain s'élevant, se répétant, monotone, plaintif, avec ses paroles absurdes, sa cadence sautillante, joyeuse et nostalgique :

Granpèr ! Granpèr !

Vouzou blié vo ! tre ! che ! val!


• …tac-tac-tac-tac-tac les rafales pressées se superposant s'entassant aurait-on dit puis au-dessus de nous les invisibles cordes de guitare pincées tissant l'invisible chaîne d'air froissé soyeux mortel aussi n'entendis-je pas crier l’ordre…


• …et à la fin j'y renonçai me mis à courir à côté d'elle en la tenant par la bride elle se mettant au petit galop avec la selle maintenant à peu près sous le ventre parmi les chevaux montés ou démontés qui nous dépassaient le mortel réseau des cordes de guitare tendu comme un plafond au-dessous de nous…


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